Originaire de Port-Cartier, sur la Côte-Nord, et vivant aujourd’hui à Montréal, la diplômée en génie des systèmes électromécaniques de l’UQAR, Manuelle Croft, œuvre au sein de l’entreprise de génie-conseil EXP, à titre de chargée de projets, coordonnatrice en bâtiment durable. Cette ingénieure, spécialiste en mise en service des systèmes électromécaniques des bâtiments et experte en certification environnementale, s’implique dans de multiples causes comme la valorisation des sciences et de l’ingénierie auprès des jeunes filles et les questions environnementales. Également triathlète et mère de trois enfants, elle peut compter sur l’appui de son conjoint, diplômé dans le même domaine à l’UQAR. Voici le résumé de cet échange avec une diplômée dynamique, curieuse et engagée qui n’hésite pas à relever des défis!

Manuelle Croft (Crédit photo : Sylviane Robini, photographe)Manuelle Croft (Crédit photo : Sylviane Robini, photographe)Pourquoi avoir choisi l’UQAR pour vos études universitaires en 1998?

J’explorais plusieurs options du génie et je ne savais pas encore dans quelle université me diriger. Lors de mon passage comme étudiante de 2e année au Cégep de Rimouski, j’ai consulté mon cousin, également ingénieur, le coureur olympique Guillaume Leblanc, qui m’a recommandé d’essayer le nouveau programme d’ingénierie à l’UQAR qui avait débuté en 1994. Comme mon père demeurait déjà à Rimouski, cela a également contribué à la réflexion pour mon choix final. Jamais je n’ai regretté ce choix.

Grâce à cette formation multidisciplinaire, j’ai pu toucher à différents aspects du génie, tel que la programmation, la thermodynamique ou l’électrotechnique, qui me sont très utiles dans les fonctions que j’occupe dans le domaine de la mécanique du bâtiment. Après de multiples expériences, j’ai développé une passion pour l’optimisation énergétique des bâtiments par le processus de mise en service, puis dans la certification environnementale.

Quels souvenirs conservez-vous de votre passage à l’UQAR?

C’est là que j’ai rencontré mon mari Stéphane Beaulieu qui était arrivé dans le programme un an avant moi! J’étais très impliquée dans ma petite cohorte de 26 étudiantes et étudiants. J’ai participé 2 fois aux Jeux de génie et à la Compétition québécoise en ingénierie (CQI). La toute dernière compétition à laquelle j’ai participé en mai 2002 fut la compétition de robotique à Calgary, les Western Canadian Robot Games. J’en garde d’excellents souvenirs. On avait échappé la première place de justesse et cela concluait en fait mes études au baccalauréat en génie de l’UQAR. J’ai ensuite rejoint Stéphane qui travaillait déjà à Edmonton. J’y ai séjourné une année. J’en ai profité pour apprendre l’anglais en y travaillant quelque temps et en faisant quelques voyages dans l’Ouest canadien.

Si vous aviez à identifier une personnalité marquante durant votre formation à l’UQAR, de qui parleriezvous et pourquoi?

Plusieurs professeurs ont été marquants. Je garde un bon souvenir de Jean-François Dumais. Quand je pense à lui, je vois George Brassens. Il arrivait avec son crayon, et peut-être aussi son livre de thermodynamique. Il nous présentait un cours structuré tout droit sorti de sa tête. On repartait avec une bonne compréhension de la matière, des exemples concrets, et des notes de cours claires, qu’on avait prises en le suivant au tableau.

Il avait beaucoup de talent pour vulgariser le sujet et nous donner des exemples concrets sortis du quotidien. Par exemple, comparer la puissance de deux BBQ, annoncés dans une circulaire de la semaine du cours, pour finalement nous démontrer que les unités de mesure utilisées dans l’annonce pour le premier ne sont pas des unités de puissance, mais d’énergie et que la comparaison est impossible! Je crois que je retiens sa maîtrise des concepts, son aisance à les vulgariser et peut-être aussi ma perception d’une personne humaniste.

Il y avait aussi Jean-François Méthot qui fut d’une grande aide pour notre compétition de robotique à Calgary. Nous savions qu’il avait une jeune famille à l’époque et, malgré cela, il a été très généreux de son temps afin de nous permettre de faire avancer notre projet.

C’est notamment la proximité que nous avions avec nos professeurs qui faisait que j’appréciais mon expérience à l’UQAR. Plusieurs beaux échanges ont été rendus possibles, car nous avions un accès direct et facile avec nos enseignants.

Après un passage de quelques années chez SNC-Lavalin, vous avez choisi d’œuvrer au sein de la firme EXP à titre de coordonnatrice — Bâtiment durable, pour ensuite devenir chargée de projets. EXP, c’est quoi?

EXP fournit une gamme complète de services-conseils d’ingénierie et d’architecture pour divers marchés. Aujourd’hui, nous sommes plus de 3000 professionnels en Amérique du Nord, dont le tiers au Québec. Je suis dans l’équipe Bâtiments, mais je collabore avec des collègues de partout, en Infrastructures, en Transport. Parmi les professionnels, on retrouve chez EXP des ingénieurs en électricité, mécanique, civil et chimie, ainsi que des géologues, des urbanistes et des architectes, pour n’en nommer que quelques-uns. Tout ça en plus d’une ingénieure en génie des systèmes électromécanique de l’UQAR!

J’ai la chance de faire partie d’une firme qui me permet de travailler sur des projets de qualité, avec des collègues possédant diverses expériences et expertises, dont les valeurs sont en accord avec les miennes. J’en retire une grande satisfaction. J’ai le sentiment d’avoir la chance d’influencer les projets pour minimiser l’empreinte environnementale et agir en faveur du développement durable. Lorsque je fais de la mise en service de systèmes d’un bâtiment pour optimiser la consommation d’énergie, cela me rend fière. La Maison Manuvie est une de mes grandes réalisations. C’est une tour à bureaux de prestige de 24 étages, située à l’intersection opposée de mon bureau, au centre-ville de Montréal. J’ai supervisé le processus de mise en service et coordonné la certification LEED de niveau or.

Quels sont vos mandats actuels chez EXP?

Présentement, j’apporte du soutien à mon équipe d’ingénierie dans un projet avec le Ministère des Transports du Québec pour la construction de nouvelles haltes routières sur les autoroutes 20 et 40. Les projets ciblent la certification LEED. À titre d’experte, j’accompagne mes collègues à chacune des étapes afin que les projets soient conçus et construits afin de satisfaire aux exigences liées à cette certification reconnue mondialement. Le cas ce ces haltes est exemplaire. Notre équipe a conçu un système qui permettra de réutiliser les eaux usées pour l’utilisation des appareils sanitaires. Cela permettra de réduire les besoins en eau de 75  %, l’équivalent de 2 piscines olympiques d’eau économisée pour une seule halte.

L’obtention de la certification LEED assure que les propriétaires, les concepteurs et les entrepreneurs ont fait les efforts nécessaires pour diminuer «l’empreinte écologique» du projet pendant et après sa construction. Ces efforts permettent d’améliorer le bien-être des occupants, la qualité de vie des communautés et de réduire l’empreinte écologique des bâtiments.

Vous vous impliquez beaucoup dans la promotion des sciences et du génie auprès des jeunes filles. Qu’en est-il exactement?

L’intérêt des femmes pour une carrière en sciences représente un défi qui me m’interpelle particulièrement. Ma cohorte comptait 6 filles sur 26 nouveaux inscrits et le ratio gars-filles ne semble pas s’être vraiment amélioré depuis, ce qui est très dommage. Il y a pourtant de belles opportunités pour les filles en ingénierie. Je crois qu’il faut leur démontrer qu’elles peuvent se réaliser dans ce domaine et que la profession a besoin d’elles.

Je ne rate pas une occasion de rappeler l’importance d’intéresser la relève féminine et d’attirer l’attention sur cette question. Il y a deux ans, lors de l’assemblée générale annuelle de l’Ordre des ingénieurs du Québec, j’ai pris le micro, afin de faire réaliser à mes confrères que l’objectif d’atteindre 30 % de femmes ingénieures d’ici 2030 au Canada n’était pas à l’ordre du jour du plan de travail de l’Ordre. On s’étonne souvent de réaliser que les femmes représentent moins du cinquième des membres de la profession. Pour atteindre l’objectif fixé, il faut réussir à susciter et maintenir l’intérêt filles pour les sciences dès leur entrée au secondaire. L’an passé, j’ai participé à l’événement «Les filles et les sciences» à l’ETS. J’appuie l’initiative de l’OIQ qui a récemment mis en place un programme d’ambassadrices pour aller rencontrer les jeunes dans les écoles secondaires. Je me suis jointe aux ambassadrices. Le but est de montrer les figures féminines du monde de l’ingénierie. C’est ma façon de contribuer à cet enjeu important pour les filles et pour la société.

L’UQAR débute cet automne un tout nouveau programme de génie civil avec une spécialisation en génie côtier. Qu’en pensez-vous?

C’est excellent ! J’espère que ça va intéresser les filles (rires). Faisons-leur la démonstration que cette formation sera bénéfique pour les communautés les plus vulnérables. Les filles sont particulièrement sensibles à ces questions et elles ont besoin de se sentir utiles à la société. L’érosion des berges est un phénomène important qui touche très concrètement nos collectivités, je me réjouis d’apprendre la venue de cette nouvelle spécialisation à l’UQAR.