Pour le travailleur social Henri-Bastien Gendreau Robert, la mer et la navigation à voile représentent bien plus que des loisirs pour s’évader. Ce sont des outils d’intervention sociale uniques. Dans le cadre de sa maîtrise en travail social, il se penche sur l’expérience de séjours en voilier sur le fleuve St-Laurent vécue à la fois par des jeunes adultes ayant différentes difficultés que des personnes intervenantes.

Diplômé au baccalauréat en travail social, M. Gendreau Robert est bien placé pour comprendre l’impact de la nature sur les personnes. Pendant près de 10 ans, il a été intervenant social au Nunavik. « J’ai alors eu l’immense privilège de découvrir des réalités, une culture et un territoire d’une beauté et d’une richesse incomparables. Cette rencontre a été profondément marquante. Elle m’a entre autres permis de saisir l’importance et la valeur de la relation qu’entretient une communauté avec son territoire et ses milieux naturels. »

Cette rencontre a été l’étincelle pour effectuer un retour aux études à la maîtrise en travail social. « La toundra et la mer ont à mes yeux en commun l’accès qu’elles donnent à plus grand que soi : une expérience qui laisse des traces », souligne-t-il. « Le rôle joué par la nature auprès des personnes, des groupes et des communautés est une perspective guère abordée en travail social. De fait, les modèles d’intervention traditionnellement préconisés par le travail social n’intègrent pas, pour la plupart, la dimension de l’interaction avec les écosystèmes naturels. Or, nombre d’études ont déjà démontré les multiples bienfaits de la nature sur la santé globale. »

Sous la direction du professeur Sacha Genest-Dufault, Henri-Bastien Gendreau Robert analyse dans sa maîtrise des programmes d’intervention sociale à l’attention de jeunes adultes qui ont la particularité de se dérouler dans le cadre de séjours sur un voilier. Pour se faire, il a réalisé des entrevues individuelles semi-dirigées avec 14 personnes ayant effectué des séjours sur le Fjord du Saguenay, le fleuve et/ou le golfe du Saint-Laurent dans un contexte d’intervention par la nature et l’aventure.

Le travailleur social a constaté, au cours de ses travaux, que l’environnement marin à un grand impact sur les jeunes et les personnes intervenantes lors de leur séjour en voilier. « Par exemple, le rapport à l’eau pendant l’expérience est associé par la majorité des personnes interviewées à un sentiment de bien-être physiologique et psychologique. L’impact du vent dans le contexte de la navigation à voile, qui est décrit comme une expérience libératrice, contribue entre autres à l’apprentissage du lâcher-prise. La contemplation de l’horizon est perçue comme une expérience introspective, un moyen de s’ancrer dans le moment présent, et est rattachée notamment à une diminution de l’anxiété et des pensées négatives. »

La force des éléments naturels et des conditions météorologiques en mer a été, par ailleurs, une expérience marquante pour bon nombre de participantes et participants. « Beaucoup ont exprimé s’être sentie vulnérable, à la merci de la nature, voire dépendantes de la nature. Une expérience qui impose en quelque sorte le respect de la nature. La plupart des personnes interviewées rapportent aussi une transformation dans leur relation avec la mer. Plusieurs indiquent avoir ressenti à travers leur expérience un fort sentiment d’union, de connexion, avec le Saint-Laurent. Cette transformation du rapport à la mer s’illustre entre autres par un plus grand sentiment d’appartenance envers les milieux marins et de manière générale par une plus grande sensibilité au maritime. D’autres personnes témoignent d’un nouveau besoin d’interaction avec la mer, de même que d’une (re)prise de conscience quant à l’importance de protéger les écosystèmes marins. Dans cette perspective, l’intervention en contexte de nature et d’aventure se révèle comme un vecteur d’engagement écologique. L’interaction avec la nature participe en effet à l’adoption de comportements pro-environnementaux tel que le font valoir différentes études », précise M. Gendreau Robert.

La vie à bord d’un voilier a en outre été une expérience significative pour les jeunes et les personnes intervenantes, ajoute le chercheur de l’UQAR. « Le fait de vivre en groupe dans un espace restreint, dont il est impossible de fuir, est décrit comme une expérience inclusive favorisant, notamment, la cohésion de groupe, le support mutuel et le dévoilement de soi. La rencontre du monde de la mer et de la culture maritime se révèle comme une expérience riche et féconde. En somme, mes résultats préliminaires s’articulent autour de trois grandes dimensions, soit, le rapport à soi, le rapport à l’Autre et le rapport à la Mer. »

Le sujet de recherche de la maîtrise de M. Gendreau Robert est encore émergeant en travail social, poursuit l’étudiant-chercheur. « J’aimerais contribuer à l’avancement des connaissances autour d’un sujet de recherche novateur et d’actualité. Dans le but, je l’espère, d’élargir les horizons de pratique et de recherche du travail social, afin d’en faire bénéficier de part et d’autre les populations vulnérables et les personnes œuvrant dans les domaines de la relation d’aide. »

Originaire de Montréal, Henri-Bastien Gendreau Robert a choisi de venir étudier à l’UQAR en 2010 en raison de la taille humaine de l’université et de sa proximité avec le fleuve. Ayant obtenu des bourses du Conseil de recherches en sciences humaines et des Fonds de recherche du Québec pour réaliser sa maîtrise en travail social, il s’implique auprès de l’organisme d’aide aux hommes en difficulté C-TA-C. Il en préside d’ailleurs le conseil d’administration.

Après sa maîtrise, le travailleur social entend poursuivre ses études au doctorat tout en continuant à s’investir dans le milieu communautaire. « Dans le cadre de mon implication à C-TA-C, nous travaillons présentement à la mise en place d’une Maison Oxygène, soit un centre d’hébergement temporaire pour les pères et leurs enfants qui traversent une période difficile. Les objectifs d’une Maison Oxygène sont, entre autres, la conciliation du lien père-enfant et la prévention de la violence familiale et conjugale. C’est un projet qui m’anime beaucoup, tout comme naviguer en famille sur mon voilier », conclut M. Gendreau Robert.