Le Centre d’expérimentation et de développement en forêt boréale (CEDFOB) a pour mission, en collaboration avec le milieu, de réaliser des travaux de recherche et de développement sur la forêt boréale et la mise en valeur de ses ressources, dans une optique de développement durable. Il a récemment étendu son domaine d’expertise aux petits fruits nordiques, à la physique et la chimie du bois ainsi qu’à l’entomologie. Ce centre est dirigé depuis 2014 par le diplômé de l’UQAR au MBA (2007), Michael Cosgrove, qui s’occupe également depuis 2017 du Consortium de recherche sur la pomme de terre du Québec situé à Pointe-aux-Outardes. Rencontre avec un gestionnaire très sympathique de la Côte-Nord ayant un fort attachement pour le développement durable de sa région et du Québec.

 Quel est votre rôle au sein du CEDFOB?

À titre de directeur général d’un OBNL rattaché au Cégep de Baie-Comeau, mais doté de son propre conseil d’administration indépendant, mon rôle consiste à diriger l’ensemble des activités de l’organisation comme les ressources humaines et financières, la reddition de compte aux bailleurs de fonds et l’acquisition d’équipements. Je dois faire le lien et transmettre à notre structure de recherche les objectifs et orientations du conseil d’administration. Nous sommes une petite équipe, mais j’ai des piliers pour m’appuyer. Notre équipe compte 13 personnes permanentes et nous employons 20 étudiantes et étudiants durant l’été.

Qu’est-ce qu’un Centre collégial de transfert technologique?

Il y a 59 CCTT au Québec, tous affiliés à des Cégeps qui sont davantage orientés vers la recherche appliquée par la formation et l’information. Le mandat consiste à supporter les PME du Québec dans le développement et le transfert de connaissances appliquées et également de favoriser la participation d’étudiantes et d’étudiants dans des projets de recherche. Dans les 59 CCTT, chacun a son domaine d’expertise propre et bien souvent orienté vers les réalités de sa région. Dans notre cas, c’est la forêt
boréale, par l’entremise d’un mandat provincial, pour le développement de l’ensemble des ressources forestières dans un premier temps, et ensuite, notre mission s’est élargie à la question de l’exploitation des petits fruits nordiques. Tous les CCTT sont regroupés dans le réseau Synchronex, lequel a comme
objectif de favoriser le développement et le rayonnement de nos membres dans le but de contribuer au développement économique et social de toutes les régions du Québec, ainsi qu’à celui de la recherche au collégial.

Un projet récent sur la table?

Le projet le plus important que nous avons actuellement, ayant d’ailleurs obtenu du financement du CRSNG, consiste à positionner le Cégep de Baie-Comeau et son CCTT comme la référence pour quatre petits fruits nordiques : ronce arctique, chicouté, camarine noire et airelle vigne d’Ida. Nous travaillons avec une vingtaine de PME pour implanter ces petits fruits spécifiques aux régions nordiques. Le financement nous permet de supporter ces entreprises et d’acquérir les équipements que nous installons sur des sites expérimentaux de Tadoussac jusqu’à Blanc-Sablon où nous testons différentes façons d’augmenter la productivité des petits fruits par
micro propagation. Nous avons un laboratoire qui nous permet de faire des multiplications végétatives de ces petits fruits et de trouver la meilleure recette agronomique pour permettre à nos entreprises d’aller sur le marché avec un produit spécifique ayant un bon potentiel économique. 

Pour notre volet forestier, nous travaillons sur la qualité de la fibre de bois, plus particulièrement depuis l’infestation de la tordeuse des bourgeons et de l’épinette. Ce phénomène touche grandement la rentabilité des industriels, car le bois est de moindre qualité. Nous travaillons dans une optique de développement durable et d’acquisition des connaissances, tout en permettant de générer un rendement économique acceptable pour tous. Cette réalité n’est jamais noire ou blanche et je suis
passablement fier du travail qui est fait. La technologie (drone, algorithmes, intelligence artificielle) s’améliore, nous comprenons de mieux en mieux la forêt pour assurer une meilleure planification des activités.

La forêt semble être une source constante de préoccupation pour vous. Comment qualifieriez-vous l’état de la forêt boréale au Québec?

La forêt boréale de l’Est est en bonne santé. Je suis excessivement fier du travail de mes collègues forestiers et de celui qui est fait par la direction de la recherche forestière du ministère. Il y a énormément de connaissances qui ont été acquises depuis 20 ans; aujourd’hui, on produit plus de bois que l’on en coupe. La réalité s’est inversée depuis quelques années malgré l’attaque des insectes; ce phénomène fait toutefois partie des cycles naturels. Nous coupons aujourd’hui moins de 1 % de sa superficie pour faire du développement économique tout en favorisant la captation du carbone. Nos équipements se sont beaucoup améliorés. Il reste du travail à faire,
mais je suis extrêmement fier de voir que cette forêt, dont on disait dans les années 90 qu’elle n’existerait plus, est toujours là et en bonne santé.

Si on vous nommais ministre des Forêts, que feriez-vous en premier?

Je mise sur l’aménagement d’un écosystème comme la forêt boréale, laquelle est aujourd’hui possible grâce à de nouveaux outils performants. Le régime forestier actuel est considéré comme un bassin de bois pour les scieries. Quelques coproduits et sous-produits (copeaux pour les pâtes et papiers et autres qui produiront de l’énergie) sont générés à partir de cette transformation-là. J’opterais pour qu’un changement de paradigme s’effectue à ce niveau : quand le bois quitte la forêt, il devrait immédiatement être dirigé au bon endroit. Parce qu’il y a des bois qui ne sont pas dirigés vers la bonne filière, les coûts pour les entreprises augmentent en raison d’une baisse de la productivité et plusieurs problématiques en découlent alors. Si j’étais ministre, c’est ce que j’essaierais de faire afin de créer le plus de valeur pour ce bois-là. Toujours maximiser les meilleures pratiques possibles pour préserver cette belle ressource que la nature nous donne en la cultivant de
manière intelligente. Nous avons des gens compétents qui veulent travailler en ce sens, il suffit de faire preuve d’un peu d’ouverture. Dans les régions du Québec, la forêt est un atout majeur pour notre développement et une richesse pour nos communautés.

Pourquoi une formation au MBA à l’UQAR?

Ma formation initiale au baccalauréat en aménagement des ressources forestières, effectuée dans une autre université, me cantonnait dans une discipline assez pointue, limitant mes perspectives professionnelles. Je voulais développer des compétences supplémentaires en administration pour comprendre l’ensemble des
fonctions d’une organisation. L’offre d’une formation au MBA par l’UQAR sur la Côte-Nord cadrait parfaitement avec ce désir.

Cette formation intensive de deux ans et demi me permettait de poursuivre ma vie professionnelle tout en étudiant, et m’ouvrait la porte à des postes de gestion.

Que retenez-vous de cette formation?

Je suis convaincu que cette formation a été le point tournant de ma carrière, car elle m’a ouvert de nombreux horizons. Je note également la dynamique et la cohésion de groupe qui se sont développées au fil des années. Nous avons pu nous enrichir de la participation de collègues de différents milieux par le partage des expériences professionnelles avec des professeurs aguerris qui en avaient vu d’autres. C’était vraiment le volet le plus intéressant et captivant. Ce qui était aussi stimulant, c’est que nous pouvions travailler sur des cas concrets d’entreprises du milieu qui ont accepté de nous proposer un sujet d’étude afin que nous puissions mettre en application les différents concepts acquis dans les cours. Cette formule permettait de jumeler la connaissance et la pratique, ce qui était vraiment motivant.

Je connaissais la majorité des gens, mais nous provenions de milieux professionnels très différents. Nous avons gardé le contact dans certains cas pour nous rappeler de bons souvenirs.

Et vous avez également un deuxième chapeau n’est-ce pas?

Effectivement! Je suis directeur général du Consortium de recherche sur la pomme de terre du Québec dont le mandat consiste à trouver de nouvelles variétés de pommes de terre ayant une incidence moindre sur l’environnement, donc avec le moins de pesticides possible. C’est un centre de recherche situé à Pointe-aux-Outardes. Avec mon travail au CEDFOB, on m’a demandé de participer à une réflexion stratégique pour revoir le modèle d’affaire du consortium, autrefois appelé le Centre de recherche Les Buissons, et par la suite, de le mettre en oeuvre. Il y a donc déjà trois ans que j’occupe les deux postes de DG simultanément. Huit employé(e)s permanent(e)s et sept employé(e)s temporaires travaillent avec nous sur place au CRPTQ.

La force de ma formation au MBA me permet d’être un bon gestionnaire et de pouvoir m’appuyer sur des ressources très compétentes aux deux endroits, heureusement. Même si dans les deux cas, on travaille avec le végétal, ce sont deux mondes très différents que ceux de l’agriculture et de l’aménagement de la forêt!